La psychanalyse, son dispositif inventé par Freud pris ses origines dans le scientisme de la médecine psychiatrique du XIXème siècle afin de traiter les grandes hystériques de l’époque. Les électrostimulations ayant montré leurs limites, la médecine s’est tournée notamment vers la méthode cathartique et l’hypnose avec Charcot d’un côté (Ecole de la Salpêtrière) et Bernheim de l’autre (Ecole de Nancy) . A l’instar des grandes découvertes scientifiques, la psychanalyse est née dans ce terreau fertile dans ce qui semble être l’immanence d’une rencontre : la célèbre patiente Anna O. C’est elle qui aurait proposé, voire ordonné à Freud d’être écoutée ; rien de moins qu’un renversement suggestif : Écoutez-moi et taisez-vous ! La libre association était née !
La psychologie, discipline scientifique et expérimentale, par son objet d’étude et ses méthodes d’investigation, a influencé la naissance de la psychanalyse, ses corpus aussi bien théoriques que cliniques, dont Freud a fait de cette dernière une « Métapsychologie ». Avec ses stades libidinaux, à l’image de la psychologie du développement, parallèle peut être fait avec un généticien comme Jean Piaget et ses stades de développement psychomoteurs.
Pour autant, ce qui différencie la psychanalyse de la psychologie dans sa praxis, reste l’originalité, quant à la formation du praticien, qui réclame non seulement une acquisition théorique et universitaire, mais surtout l’expérience de l’analyse elle-même : le praticien doit avoir fait sur lui-même ce qu’il compte appliquer à autrui. C’est sa spécificité, qui en fait une discipline à part.
En revanche, reste l’obscurité de l’analyse de Freud lui-même, qui dans son prétendu transfert avec ses contemporains, à commencer par W. Fliess, aurait pratiqué une auto-analyse. Freud, le « patient 0 » ? Patient 0… Anna O…
Freud fit des émules dans sa découverte de l’inconscient mais aussi des dissidents : de son vivant, Jung fut le premier, refusant de ramener la découverte freudienne de l’inconscient à la seule sphère sexuelle, en se tournant vers la spiritualité ainsi que dans sa définition de « l’inconscient collectif ». Des courants issus de la psychanalyse freudienne plus ou moins dans sa lignée ont vu également le jour : le courant anglo-saxon initié par M. Klein et poursuivi par D. Winnicott, qui s’est focalisé sur la « relation d’objet ».
A côté de ce dernier courant du post-freudisme, le courant annafreudien, centré quant à lui sur « les mécanismes de défenses », a fait évoluer la psychanalyse vers une pratique propédeutique plus psychothérapeutique, voire rééducative, ayant eu pour vocation principale davantage l’adaptabilité ainsi que le développement de l’individu dans son environnement physique et humain.
Une Psychologie du moi, que dénonce un peu plus tard le psychanalyste français Jacques Lacan, dans son « retour à Freud ». Y opérant une relecture à la lettre des textes fondamentaux de l’œuvre du Maître, sa volonté fut de restaurer l’esprit du discours analytique face à la menace d’une dérive de plus en plus hygiéniste liée au « discours capitaliste ».
Cette prétention lui a en effet coûté cher, celle d’une excommunion au sein de l’IPA…
Foisonnement, dissidence, éclectisme de la psychanalyse, pluralité, comme caractéristique de l’évolution logique de cette discipline, qui s’est résolument émancipée du joug universitaire : des psychanalyses et des psychanalystes…
La variété nécessaire… son symptôme ?
Au regard des limites de l’uniformité des praxis validées scientifiquement de la psychologie, comme discipline universitaire, répond la psychanalyse et son émiettement : inféodée, libre et subversive. Elle est toujours restée une discipline qui a « dépassé les bornes » usuelles, la faisant souvent prétendre à l’une de ses plus grande vertu: celle de la question de la quête de « La » vérité, celle de l’inconscient s’entend; mais en même temps faisant apparaître son plus grand défaut: celle de la difficulté d’un savoir transmissible.
Lequel « sujet supposé savoir » pendant l’analyse elle-même, qui de dé-consister en fin d’analyse, dé-complété, ne peut se prêter à aucune généralisation…
La psychanalyse se réinvente alors au sein des cures avec chaque nouveau patient : au un par un, elle est innovante par nécessité et doit s’extraire de toute prétention à l’explication, à la démonstration, qui contraste avec l’image qu’on a l’habitude de lui donner. L’interprétation du « psy » ne résiste donc pas à l’analyse, ne vaut pas explication, comme cela peut être donné à voir dans la fiction, celle par exemple de la série télévisée « En thérapie », qui en use et en abuse. L’interprétation apparaît plutôt comme surgissement du nouveau : un éloge de la surprise ?
Au mieux, la psychanalyse peut davantage consentir à une exposition, une « monstration » dans son essai de vulgarisation, dans le partage des expériences entre praticiens, celle de la psychanalyse en extension…
Afin que reste vif la maxime lacanienne : « l’inconscient, c’est la politique » …
La boussole de l’acte analytique, pourrait-on ajouter.
Pascal Brégeron
Psychanalyste